Mathématiques discrètes, liens avec l'Informatique - GDR DEMIPS

Mathématiques discrètes, liens avec l’Informatique

Thème 3 : Arithmétique, mathématiques discrètes, algorithmique et interactions mathématiques-informatique
Responsables : Antoine Meyer (Université de Marne La Vallée) et Simon Modeste (Université de Montpellier)

Contexte
Les liens entre l’informatique et les mathématiques sont nombreux et de natures diverses. Ce thème s’intéresse aux domaines mathématiques suivants : mathématiques discrètes, arithmétique et algorithmique, et à leurs interactions privilégiées avec l’informatique. Certaines questions mathématiques nouvelles émergent du développement de l’informatique. En outre, par leur nature discrète, ces champs se prêtent aisément à un traitement informatique qui en instrumente leur exploration. Ces domaines s’inscrivent dans l’épistémologie des mathématiques « classiques » mais ils mettent aussi en jeu des objets et des types de raisonnements spécifiques (Grenier & Payan, 1998 ; Ouvrier-Buffet, 2009 ; Ouvrier-Buffet, Meyer, & Modeste 2018).
En plein essor, ces champs sont au cœur de nombreuses transformations technologiques récentes (cryptographie, traitement automatique de données, réseaux, etc.). Le développement d’usages de simulation numérique dans toutes les disciplines soulève la question de la conception, la compréhension et la manipulation de modèles discrets. Pour autant, le travail sur la spécificité du discret, les concepts élémentaires, théories et raisonnements sous-jacents trouve une place très variable dans les cursus de premier cycle universitaire de mathématiques et d’informatique. Le thème 3 propose d’aborder ces questions sous les angles épistémologique et didactique.
L’arithmétique a fait l’objet de travaux épistémologiques et didactiques dans l’enseignement secondaire (Battie, 2007 ; Gardes, 2013 ; Ravel, 2003) et à la transition secondaire-supérieur (Battie, 2009). Des études didactiques se sont intéressées au cas particulier de l’enseignement de la théorie des graphes au lycée et à l’université (Cartier, 2008) et à l’enseignement de la preuve via les mathématiques discrètes (Hart & Sandefur, 2018). Ce type de recherche se situe dans un travail collaboratif entre mathématiciens, informaticiens et didacticiens (par exemple au sein de la Fédération de Recherche « Maths à Modeler »). Par ailleurs, mathématiciens et didacticiens, au niveau international, soulignent l’importance des mathématiques discrètes pour l’enseignement et la formation des enseignants (Hart & Sandefur, 2018 ; DeBellis & Rosenstein, 2004 ; DIMACS, 2001), en lien avec les préconisations des sociétés savantes (telles que la MAA et la SMF). D’autres travaux interrogent l’enseignement et l’apprentissage de l’algorithmique (Modeste, 2012), ainsi que les apports de l’informatique et de la programmation à l’enseignement des mathématiques (Cornu & Ralston, 1992). Plus généralement, les motifs épistémologiques évoqués précédemment et l’évolution profonde des curricula du secondaire rendent la question didactique de l’interaction entre informatique et mathématiques dans l’enseignement supérieur d’autant plus importante.

Axes de recherche – Enjeux pour l’enseignement supérieur.
Au centre des préoccupations se trouve l’apprentissage du raisonnement et de la preuve, enjeu fondamental de la transition secondaire-supérieur (Gueudet & Thomas, à paraître) et point de discussion central à l’interface mathématiques-informatique (Durand-Guerrier, Meyer & Modeste, à paraître).
Deux types de problématiques sont à considérer pour le supérieur. D’une part, certains contenus sont stabilisés au sein de la communauté scientifique et sont déjà présents dans certaines filières de l’enseignement supérieur, selon les besoins spécifiques de chacune d’elles (par exemple : arithmétique, théorie des graphes, combinatoire, analyse d’algorithmes…). Ces contenus appellent à une étude fine des enjeux didactiques relatifs à leur enseignement et leur apprentissage : identification des concepts fondamentaux, des obstacles et des difficultés pour les étudiants, conception et expérimentation de situations d’enseignement. On s’intéresse également à identifier les raisons d’être de ces contenus dans les diverses filières.
D’autre part, les champs que nous étudions sont une source de problèmes inédits et accessibles (par exemple : conjectures « à la Erdös » ; problèmes de géométrie discrète ; optimisation combinatoire), qui peuvent favoriser le développement d’une démarche de recherche mathématique et/ou informatique (apprentissage du raisonnement, de la preuve, de l’expérimentation, de la résolution de problèmes). Les enseignements optionnels « résolution de problèmes » ou « initiation à la preuve » offerts aux étudiants de certaines institutions s’appuient souvent sur des problèmes de nature discrète (par exemple tirés de la théorie des jeux). Au-delà de l’étude des apprentissages en jeu chez les étudiants dans ces dispositifs, on s’intéressera aux formations existantes pour comprendre les choix qui sont faits et la nature des objectifs visés.
Transversalement à ces deux problématiques, se posent les questions liées à la simulation et la modélisation discrètes, ainsi qu’aux heuristiques de résolution spécifiques à la structure des objets mis en jeu (par exemple la descente infinie, l’approche diviser pour régner), qui font pour certaines l’objet de théories et d’institutionnalisations ad hoc.
Tous ces enjeux nous placent au cœur de l’épistémologie des mathématiques et de l’informatique, qui doit nourrir le travail existant en didactique des mathématiques du supérieur mais aussi contribuer au développement de la didactique de l’informatique (Arsac, 1989) pour l’enseignement supérieur.

Retombées attendues
Ce thème tend à proposer des solutions tangibles pour « améliorer » la situation sur le terrain, pallier aux difficultés des étudiants relatives à la preuve et au raisonnement, et à la complexité de certains concepts et types de problèmes du discret. Pour cela, un état des lieux des enseignements actuels en arithmétique, mathématiques discrètes, algorithmique et contenus associés dans les universités est en cours d’élaboration et de diffusion (en partenariat avec la SMF). Il permettra de préciser la nécessité, la place et les modalités d’intégration de nos propositions didactiques. Par ailleurs, une étude approfondie des contenus enseignés (via, par exemple, les objets de la géométrie discrète, les problèmes d’optimisation en théorie des graphes, la cryptographie) est engagée au sein de ce thème (voir Ouvrier-Buffet, Modeste & Meyer, 2018) en vue de concevoir des situations d’apprentissage pour le supérieur sur certains concepts mathématiques et certains types de preuves (exhaustivité des cas, récurrence et induction structurelle, raisonnement par contre-exemple minimal, raisonnement par l’absurde, identification d’invariants, preuves par exemples génériques). De telles situations seront expérimentées dans des contextes variés (début du supérieur, formation des enseignants, formations des nouveaux enseignants-chercheurs), et les résultats des recherches seront aussi diffusés sous la forme de ressources et exploités dans la formation des enseignants du supérieur.

Références
Arsac, J. (1989). La didactique de l’informatique : un problème ouvert? In Colloque francophone sur la didactique de l’informatique Université René Descartes Paris (pp. 9–18).
Battie, V. (2007). Exploitation d’un outil épistémologique pour l’analyse des raisonnements d’élèves confrontés à la résolution de problèmes arithmétiques. RDM, 27(1), 9-43.
Battie, V. (2009). Proving in number theory at the transition from the secondary level to the tertiary level: between organizing and operative dimensions. In Lin F., Hsieh F.-J., Hanna G., & De Villiers M. (Eds.) Proceedings of the ICMI Study 19 conference: Proof and Proving in Mathematics Education (pp. 71-76). The Department of Mathematics, National Taiwan Normal University Taipei, Taiwan.
Cartier, L. (2008). Le graphe comme outil pour enseigner la preuve et la modélisation. Université Grenoble 1.
Cornu, B., & Ralston, A. (1992). The influence of computers and informatics on mathematics and its teaching (Vol. 44). Unesco.
DeBellis, V.A, Rosenstein, J.G. (2004) Discrete mathematics and Proof in the High School. ZDM, 36(2, 3), 44–84, 82–116.
DIMACS. (2001). Center for Discrete Mathematics and Theoretical Computer Science: Educational Program. http://dimacs.rutgers.edu/Education
Durand-Guerrier, V., Meyer, A., & Modeste, S. (à paraître). Didactical issues at the interface of mathematics and computer science. In Hanna, G., Reid, D., & Michael, V. (Eds.) Proof Technology in Mathematics Research and Teaching. Springer.
Gardes, M.-L. (2013). Étude de processus de recherche de chercheurs, élèves et étudiants, engagés dans la recherche d’un problème non résolu en théorie des nombres. Thèse de l’Université Lyon 1.
Grenier, D., & Payan, C. (1998). Spécificité de la preuve et de la modélisation en mathématiques discrètes. Recherches En Didactique Des Mathématiques, 18(2), 59–100.
Gueudet G., & Thomas, M. (to appear). Secondary-Tertiary transition in Mathematics Education. In Lerman S. (Ed.) Encyclopedia of Mathematics Education. Springer.
Hart, E., & Sandefur, J. (2018). Teaching and Learning Discrete Mathematics in the School Curriculum Worldwide. An ICME-13 Monograph. Springer.
Modeste, S. (2012). Enseigner l’algorithme pour quoi ? Quelles nouvelles questions pour les mathématiques ? Quels apports pour l’apprentissage de la preuve ? Thèse de l’Université de Grenoble.
Ouvrier-Buffet, C. (2009). Mathématiques Discrètes : un champ d’expérimentation mais aussi un champ des mathématiques. In ARDM (Ed.), Actes du séminaire national de didactique des mathématiques (pp. 31–45). Université Paris 7.
Ouvrier-Buffet, C., Meyer, A., & Modeste, S. (2018). Discrete mathematics at university level Interfacing mathematics, computer science and arithmetic. In INDRUM, pre-proceedings, 265-274.
Ravel, L. (2003). Des programmes à la classe : étude de la transposition didactique interne. Exemple de l’arithmétique en Terminale S spécialité, Thèse de Didactique des Mathématiques, Université Joseph Fourier, Grenoble I.