Logique, langage, raisonnement et preuve - GDR DEMIPS

Logique, langage, raisonnement et preuve

Thème 4 : Logique, langage, raisonnement, preuves, et apprentissages mathématiques et informatiques – études épistémologiques et didactiques – développement d’ingénieries didactiques – prise en compte du plurilinguisme
Responsables : Virginie Deloustal-Jorrand (Université Lyon 1) – Zoé Mesnil (Université Paris-Diderot)

Contexte
À leur arrivée à l’université, les étudiants sont confrontés à la nécessité d’étudier et d’élaborer par eux-mêmes des raisonnements et des preuves de plus en plus complexes, ce qu’ils ont peu eu l’occasion de faire dans leurs études secondaires, y compris dans les sections scientifiques. De nombreuses recherches, tant au niveau national qu’international, mettent en évidence qu’ils ne peuvent pas s’appuyer sur une bonne maîtrise des connaissances et des compétences logiques nécessaires pour affronter la formalisation et la complexification de la structure logique des énoncés mathématiques (Selden et Selden 1995, Deloustal-Jorrand 2004, Gueudet 2008, Chellougui 2009). Nous faisons en outre l’hypothèse que le travail sur les preuves contribue de manière significative aux processus d’apprentissage des connaissances mathématiques avancées (Durand-Guerrier et Tanguay 2018). Notre groupe de travail se donne comme objectif d’étudier ce qui est proposé, ou ce qui pourrait être proposé, pour pallier les difficultés observées et bien documentées dans la littérature (pour une synthèse, voir Selden 2012).

Axe de travail et méthodologie
Dans certains cursus de l’enseignement supérieur des dispositifs de formation au raisonnement et à la preuve sont mis en place (qui sont classiques par exemple dans les pays anglo-saxons). Mais nous faisons l’hypothèse qu’il n’y a pas de savoir de référence pour de tels enseignements qui ferait consensus dans la communauté, le rôle de la logique mathématique dans l’apprentissage du raisonnement et de la preuve étant l’un des éléments sur lequel les positions divergent (Durand-Guerrier et al. 2012). Nous avons donc commencé à étudier les différentes épistémologies relatives à la preuve (Gandit 2009) plus ou moins explicites dans les choix didactiques des enseignants, à travers des entretiens avec eux, l’analyse des supports de cours et de TD, et les effets éventuellement différenciateurs de ces choix sur les apprentissages à travers les productions des étudiants.
Au-delà de ces enseignements centrés sur la preuve, nous souhaitons plus globalement étudier, à l’aide d’outils logiques déjà éprouvés pour conduire de telles analyses (langage des prédicats, déduction naturelle, logique dialogique), la façon dont les enseignants gèrent les nombreux implicites (partagés par la communauté des mathématiciens) qui sont nécessaires au raisonnement et à la communication (Barrier et al. à paraître, Hache et Mesnil 2015, Weber 2008) mais qui ne sont pas nécessairement reconnus par les étudiants (Durand-Guerrier et Arsac 2005). S’agissant de transmission et de construction de connaissances et savoirs mathématiques dans l’enseignement supérieur, la complexité des rapports entre langage formel (symbolique ou non) et langage ordinaire, entre logique « naturelle » et logique mathématique, l’intrication entre la langue mathématique et la langue vernaculaire, entre l’écrit et l’oral, la dialectique entre la construction des objets et le développement du discours mathématique (Wilkerson-Jerde et Wilensky 2011) rendent en effet nécessaire une méthodologie de travail spécifique relevant de la didactique des mathématiques et reposant sur des analyses mathématiques approfondies. Nous envisageons par ailleurs de renforcer ces études autour du langage par des études de cas dans le contexte particulier du plurilinguisme, qui peut renforcer les difficultés d’apprentissage, mais qui peut aussi se constituer en ressource pour l’enseignement (thématisation des questions culturelles et langagières dans les cours) (Durand-Guerrier et al. 2016).

Retombées attendues
Enfin, les études déjà évoquées qui concernent plutôt les pratiques amènent tout naturellement à se poser des questions sur la formation, en tant qu’élément déterminant de ces pratiques. À l’heure actuelle où l’institution propose d’encadrer plus explicitement la formation des enseignants du supérieur, nos études permettraient de déboucher naturellement sur des ingénieries de formation. Par ailleurs suite à la récente réintroduction d’un enseignement de logique dans l’enseignement secondaire français, il semble nécessaire que les étudiants qui se destinent au métier d’enseignant acquièrent des connaissances tant logiques que didactiques qui leur permettent de prendre le recul nécessaire à la mise en œuvre de cet enseignement (Mesnil 2014). Une ingénierie longue de formation à la logique à destination des futurs enseignants sera conçue et expérimentée.

Références
Barrier T., Durand-Guerrier V. et Mesnil Z. (accepté). L’analyse logique comme outil pour les études didactiques en mathématique, à paraître dans Education et Didactique.
Chellougui, F. (2009). L’utilisation des quantificateurs universel et existentiel en première année d’université, entre l’explicite et l’implicite. Recherches en didactique des mathématiques, 29-2, 123-154.
Deloustal-Jorrand, V. (2004). L’implication mathématique : étude épistémologique et didactique. Étude sous trois points de vue : raisonnement déductif, logique formelle et théorie des ensembles. Thèse de doctorat, Université J. Fourier, Grenoble 1.
Durand-Guerrier, V. et Arsac, G. (2005). An epistemological and didactic study of a specific calculus reasoning rule, Educational Studies in Mathematics, 60(2), 149-172.
Durand-Guerrier, V., Boero, P., Douek, N., Epp, S. et Tanguay, D. (2012). Examining the Role of Logic in Teaching Proof. In G. Hanna et M. de Villiers (éds), ICMI Study 19 Book: Proof and Proving in Mathematics Education, pp. 369-389. New-York : Springer.
Durand-Guerrier, V., Kazima, M. ,Libbreht, P., NjomgangNgansop, J.L., Salekhova, L.N. , Tuktamyshov, N., Winslown C. (2016) Challenges and Opportunities for Second Language Learners in Undergraduate Mathematics. In Barwell, R., Clarkson, P., Halai, A., Kazima, M., Moschkovich, J., Planas, N., Phakeng, M., Valero, P., Villavicencio Ubillús, M. (Eds.), Mathematics Education and Language Diversity, The 21st ICMI Study, 85-101.
Durand-Guerrier V., Tanguay D. (2018) Working on proofs as contributing to conceptualization – The case of R Completeness. In Stylianides A.J., Harel G. (eds) Advances in Mathematics Education Research on Proof and Proving. An international perspective. ICME-13 Monographs. Springer, pp.19-34.
Gandit, M. (2009) Etude épistémologique et didactique de la preuve en mathématiques et de son enseignement. Une ingénierie de formation. Thèse de doctorat, Université J. Fourier, Grenoble I.
Gueudet, G. (2008) Investigating the secondary–tertiary transition. Educational Studies in Mathematics, Springer Verlag, 67 (3), pp.237-254.
Hache, C., Mesnil, Z. (2015) Pratiques Langagières et preuves. Actes du 22e colloque de la CORFEM. Nîmes, juin 2015.
Mesnil, Z. (2014). La logique : d’un outil pour le langage et le raisonnement mathématiques vers un objet d’enseignement, Thèse de doctorat, Université Paris Diderot, Paris.
Selden, J. et Selden, A. (1995). Unpacking the logic of mathematics statements. Educational Studies in Mathematics, 29(2), 123-151.
Selden, A. (2012) Transitions and proof and proving at tertiary level. In G. Hanna et M. de Villiers (éds), ICMI Study 19 Book: Proof and Proving in Mathematics Education, pp. 391-420. New-York : Springer.
Weber, K. (2008). How mathematicians determine if an argument is a valid proof. Journal for Research in Mathematics Education, 39(4), 431-459.
Wilkerson-Jerde, M. et Wilensky, U. (2011). How do mathematicians learn math?: Resources and acts for constructing and understanding mathematics. Educational Studies in Mathematics, 78(1), 21-43.